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Le journal de l'art espagnol de Siècle d'Or (XVII°)
9 février 2010

Velázquez Rediscovered au Metropolitan Museum of Art : la (re)découverte d'un portrait de Vélasquez?

velazquez_01Il y a quelques jours (le dimanche 07 février 2010) s'achevait, au Metropolitan Museum of Art de New-York, une exposition consacrée à Vélasquez et portant l'intitulé accrocheur de Velázquez Rediscovered. Il ne s'agissait pas là d'une importante rétrospective consacrée au maître espagnol du Siècle d'Or, qui aurait réuni de nombreuses et fameuses toiles venues des plus grands musées d'Europe et d'Amérique, mais de la mise en évidence d'une seule et unique œuvre conservée depuis 1949 entre les propres murs du Metropolitan Museum of Art. Toutefois cet évènement, d'un point de vue culturel et scientifique, n'en fut pas moins prestigieux et important puisqu'il fit suite à la restitution de l'œuvre en question au sein du catalogue des peintures autographes de Vélasquez, qui en ressort ainsi enrichi d'un magnifique Portrait d'homme (ill.01) ré-attribué à l'artiste.

Comme nous venons de l'évoquer, c'est en 1949 que le portrait, qui appartenait à la Bache Collection, entra dans les collections du musée new-yorkais, mais ce n'est que 60 ans plus tard, en 2009, que lui fut rendue sa véritable paternité, après un long cheminement vers l'attribution définitive à Vélasquez. Durant la fin du XIX° siècle et le début du XX°, le portrait fut attribué, sans plus de tergiversation, au maître espagnol (notamment par l'éminent chercheur allemand Auguste Mayer). Mais après avoir rejoint le département des peintures du Metropolitan Museum of Art, sa paternité velazqueña fut peu à peu mise en doute et le portrait fut, ensuite, simplement considéré comme une œuvre proche de la manière du maître sévillan avant d'être officiellement relégué par le musée au rang d'œuvre d'atelier. Cet éloignement progressif et erroné d'une attribution à Vélasquez s'explique aujourd'hui par la présence d'une épaisse couche de vernis jauni qui recouvrait la toile et en détériorait la qualité picturale, empêchant alors une juste lecture de la maîtrise d'exécution et du génie artistique propres aux œuvres autographes de l'artiste espagnol. C'est pour cela qu'en 2009, lorsque la couche de vernis fut supprimée et la toile restaurée, le spécialiste Jonathan Brown put alors affirmer que l'on se trouvait bel et bien en présence d'un portrait grandiose réalisé par Vélasquez lui-même.

velaz_bredaNous voilà donc, sans conteste, devant la redécouverte d'une œuvre peinte par Vélasquez, mais le véritable enjeu de cette exposition est de se poser la question suivante : la redécouverte de ce portrait par Vélasquez entraine-t-elle la découverte d'un auto-portrait de Vélasquez? La question peut sembler légitime lorsque l'on reconsidère les propos de ces mêmes spécialistes de la fin du XIX° et du début du XX° qui avaient, à juste titre, reconnu le portrait comme étant de la main du maître espagnol, puisqu'ils y avaient également vu un auto-portrait de l'artiste. Avec le retrait de l'œuvre du corpus velazqueño, s'est alors posée la question de l'identité de l'homme représenté.

Celui-ci a, depuis longtemps, été rapproché d'un des personnages présents dans la fameuse Reddition de Breda ou Les lances du Museo del Prado (ill.02). On peut en effet apercevoir, à l'extrême droite de cette autre œuvre de Vélasquez, un homme qui, tout comme dans le portrait du Metropolitan Museum of Art, est tourné de trois-quarts vers le spectateur qu'il regarde fixement et intensément (ill.03). La ressemblance entre les deux portraits est frappante, de telle sorte que les deux hommes, hormis les aspects évolutifs que sont la manière dont ils sont vêtus et la longueur des cheveux, sont en tout point physiquement identiques. Si cette comparaison est ici évoquée, c'est en raison du fait que le portrait récemment redécouvert, dont les zones entourant le visage ne sont que partiellement décrites, pourrait s'avérer être un travail préparatoire au personnage de la Reddition de Breda, qui lui même pourrait être un auto-portrait de l'artiste. Ainsi, ceci ferait également de l'œuvre de New-York, sous réserve de la confirmation qu'il s'agît bien là d'un travail préparatoire, un auto-portrait de Vélasquez.

detalle_breda___CopieLa position et l'attitude du personnage de la toile du Prado ont, notamment, emmené certains chercheurs sur la piste de l'auto-portrait. On peut, en effet, aisément remarquer le fait que l'homme, séparé du reste du groupe par le cheval, se retrouve isolé de la scène, apparaissant alors comme un spectateur plutôt qu'un acteur. A cela vient s'ajouter son regard fixe tourné vers le spectateur, lui permettant ainsi d'instaurer une certaine complicité avec ce dernier. Dans la peinture renaissante et baroque, il s'agissait d'une technique judicieuse parfois employée par un artiste pour s'auto-représenter au sein d'une composition plus au moins complexe, ce qui est d'ailleurs le cas de Vélasquez dans ses célèbres Ménines (ill.04). Cependant, ces maigres éléments, bien que tous recevables du point de vue de l'argumentation en faveur de l'hypothèse d'une auto-représentation du peintre espagnol, ne permettent pas d'affirmer que nous sommes véritablement en présence d'un auto-portrait de Vélasquez, d'autant plus qu'aucune comparaison avec des représentations de l'artiste, à la fois fiables et approchantes, ne peut être établie. Notons également que si le personnage est effectivement spatialement séparé du reste du groupe, il s'y rallie en portant les mêmes vêtements que les autres membres du contingent espagnol.

ff1cfc0307La principale question posée par le Metropolitan Museum of Art lors de l'exposition Velázquez Rediscovered aurait pu permettre, à la lumière des récentes restauration et attribution menées par les ateliers et les chercheurs associés, de déboucher sur des conclusions nouvelles quant à l'éventualité que le portrait redécouvert soit un auto-portrait du maître sévillan. Mais on pourra en conclure que, même si l'œuvre a bien été exposée conjointement à d'autres toiles de l'artiste, en l'absence d'apport d'éléments et de données véritablement neufs, le fait d'affirmer que le Metropolitan Museum of Art venait de (re)découvrir un auto-portrait de Vélasquez aurait été purement conjectural, et l'établissement new-yorkais a donc, à raison, décidé de conserver la dénomination de Portrait d'homme.

Source et informations supplémentaires : The Metropolitan Museum of Art, Exhibitions, Past Exhibitions, Velázquez Rediscovered, November 17, 2009–February 7, 2010, European Paintings, Gallery 16, 2nd floor 

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